mercredi 22 mai 2019

Naissance du champagne


Le vin de Champagne est le fruit d’un petit miracle œnologique.

La situation géographique de son vignoble, à la limite septentrionale de la culture de la vigne, même si le récent réchauffement climatique, s’il se confirme, est peut-être en train de changer la donne, aurait dû le cantonner au rôle de vin de faible qualité, peu plaisant car trop acide. La maîtrise de la prise de mousse lui a donné sa noblesse. Il est ainsi devenu le symbole de la qualité et du luxe, le compagnon incontournable de toutes les fêtes.

Bien que principalement un vin blanc, le champagne est élaboré avec une majorité de cépages noirs (pinot noir et meunier pour 70 %, contre seulement 30 % de chardonnay), qui rend obligatoire la cueillette manuelle des raisins, son transport dans des caisses de petite capacité et le pressurage direct, doux et fractionné de la vendange intègre, pour éviter de colorer les jus de raisins. Cette contrainte impose au vinificateur un respect des grappes de raisin et une sélection rigoureuse des jus de raisin, à la sortie du pressoir, qui confèrent au champagne une subtilité et une complexité rares.
Unique par sa finesse et l’élégance de son effervescence inimitable, le champagne présente paradoxalement de multiples facettes, chaque cuvée dévoilant à l’infini sa personnalité originale, tellement différente de celle des autres. C’est par les choix et savoir-faire mis en œuvre aux différentes étapes de son élaboration, et par le talent de son créateur (chef de cave, œnologue ou vigneron), que le caractère du champagne se dessine patiemment.

Un peu d’histoire

La prise de mousse a été inventée en Champagne à la fin du XVème siècle. A cette époque, la chute brutale des températures dans l’hémisphère nord (petit âge glaciaire) empêche les fermentations alcooliques de se terminer normalement avant l’hiver dans les vins de base. Elles reprennent donc naturellement au printemps, dans les bouteilles, créant une effervescence.

D’abord considérée comme un défaut, cette effervescence inhabituelle provoque une importante baisse des ventes de vins de Champagne aux aristocrates français, au profit des vins de Bourgogne.
En 1668, Dom Pérignon est donc logiquement chargé de trouver le moyen de produire à nouveau des vins de Champagne sans effervescence.

Entre-temps, la noblesse anglaise manifeste un engouement pour les vins de Champagne pétillants, allant même jusqu’à ajouter du sucre pour accentuer l’effervescence, suivie un peu plus tard par les membres de la cour de France. Dom Pérignon fait donc volte-face, et travaille à augmenter l’effervescence des vins de Champagne, pour répondre à la demande du marché. Il invente ainsi :

    Un système de bouchage efficace, résistant à la pression.
     L’art de l’assemblage, qui fait encore aujourd’hui la qualité des vins de Champagne.
    Cependant, le volume produit reste confidentiel, réservé à une élite, et l’effervescence obtenue est irrégulière et assez mal maîtrisée.
C’est avec la naissance des premières Maisons de Champagne au XVIIIème siècle (Ruinart en 1729, Chanoine en 1730, Moët en 1743, Delamotte en 1760, Clicquot en 1772, Heidsieck en 1785 et Jacquesson en 1798) que le commerce du champagne effervescent prend réellement son envol, pour se poursuivre jusqu’à la crise phylloxérique, à la fin du XIXème siècle.

Au début du XXème siècle, les crises se succèdent. Après la crise phylloxérique qui a fait passer la surface du vignoble champenois de 60 000 hectares à 12 000 hectares, la révolte de 1911, la première guerre mondiale puis la seconde vont conduire la Champagne à s’organiser.

Quelques étapes clés

     1898 : création de l’Association Viticole Champenoise (AVC) par les vignerons et les Maisons de Champagne, pour lutter contre le phylloxéra. Cette association est encore très active aujourd’hui.

     17 décembre 1908 : décret de la première délimitation de l’aire de l’appellation Champagne (15 000 hectares), dont l’Aube ne fait pas partie.

     1911 : révolte des vignerons l’Aube qui obtiennent le rattachement de leur département à la Champagne viticole.

    29 juin 1936 : le champagne devient AOC (Appellation d’Origine Contrôlée).

     2 avril 1941 : naissance du Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) pour négocier avec l’occupant allemand.

La deuxième moitié du XXème siècle voit les ventes de champagne littéralement exploser (de 32 millions de bouteilles en 1950 à plus de 300 millions de bouteilles aujourd’hui). La Champagne s’appuie sur une organisation bien structurée avec : 

       Des vignerons pour produire le raisin.
       Des Maisons de Champagne et des Coopératives qui élaborent les champagnes et les commercialisent en France, mais surtout à l’étranger.
       Une interprofession forte (CIVC) qui assure l’entente entre les vignerons et les Maisons de Champagne.

Le champagne, vin traditionnel d’assemblage, devient le vin de la fête et de l’apéritif incontournable et inimitable : «Il n’est champagne que de la Champagne».

Même si l’Union des Maisons de Champagne (UMC : Grandes Marques et Maisons de Champagne) commercialise aujourd’hui 60 % des bouteilles de champagne, la période récente (fin du XXème siècle et début du XXIème siècle) voit apparaître des évolutions prometteuses :

      De plus en plus de vignerons (Récoltants Manipulants – RM) se mettent à élaborer et commercialiser leur champagne, issu de leur vignoble, laissant libre cours à leur créativité œnologique.

            Certaines cuvées de champagne revendiquent clairement le statut de vin de repas.

     On assiste à la naissance de cuvées spéciales, souvent prestigieuses, issues de vinifications parcellaires, de vinifications et d’élevage en fûts de chêne, souvent millésimées (issues d’une seule année).

L’offre de champagnes se diversifie ainsi, pour le plus grand plaisir des amateurs.

Le 4 juillet 2015, les coteaux, maisons et caves de Champagne entrent au patrimoine mondial de l’UNESCO : une consécration, mais surtout un message fort, porteur d’espoir et de paix.