Dominique FILHOL
et Alain CHATELET
(DGCCRF - Bureau des Boissons)
INTRODUCTION
A-
HISTORIQUE DES APPELLATIONS D’ORIGINE CONTROLEES
(source : L’évolution
de la législation sur les appellations d’origine – genèse des appellations
contrôlées Joseph Capus – Louis Larmat éditeur –2ème trimestre 1947)
1/
La loi du 1er août 1905 2/ La loi du 6 mai 1919 3/ La loi de 1927
4/
Le décret Loi du 30 juillet 1935 : naissance des AOC 5/ La loi du 18 décembre
1949
B- PRATIQUES OENOLOGIQUES
1/ Avant la réglementation
communautaire
2/ Le règlement 816/70 et
ses successeurs, jusqu’au règlement 1493/1999
INTRODUCTION
Aussi
loin que l’on remonte dans l’histoire, des produits de natures les plus
diverses ont acquis leur notoriété sous le nom géographique de la région dont
ils provenaient.
Bien entendu, les
vins en particulier ont de tout temps étaient désignés par le nom de leur
terroir. La France dès l’époque médiévale s’enorgueillit du prestige de
certains de ces vins. D’un fourmillement de crus vont peu à peu se dégager des
noms prestigieux comme Bordeaux et Bourgogne que les anglais pour les premiers,
et les flamands pour les seconds vont révéler à l’Europe entière.
Bien entendu, le
prestige suscite l’imitation et donc la fraude. Dès le 18ème siècle,
le gouvernement comprend la nécessité de légiférer pour réprimer les abus mais
aussi pour protéger un nouveau type de vin : le Champagne.
Cependant,
le monde du vin aurait pu continuer à vivre de la sorte, le 19ème
siècle ayant vu se développer, avec une prospérité certaine, les vins de
qualité, si lors du dernier quart de ce siècle, le vignoble n’avait été
entièrement détruit par le phylloxéra.
Si depuis la fin
de l’Empire romain et la domination islamique en Méditerranée, le Languedoc
était devenu une province excentrée par rapport aux principaux courants
viticoles (Atlantique tout particulièrement), les visites répétées de marchands
parisiens dans la région permirent de fournir la capitale certes en vins dit
courants, mais ce qui permit cependant à leur prix de doubler au cours du 18ème
siècle et au début du 19ème.
L’épidémie
de phylloxéra apparaît sur la rue droite du Rhône mais gagne rapidement le
Languedoc. En 1876, l’arrondissement de Montpellier est entièrement ravagé.
Les
premiers vignobles touchés sont ruinés même si peu à peu l’insecte s’attaque à
l’ensemble des vignobles.
La situation
économique est grave puisque l’on ne peut plus faire face aux approvisionnements
des marchés. Pour y remédier, la fabrication selon des pratiques considérées
jusqu’alors comme frauduleuses fut entreprise à grande échelle avec il faut le
dire la bénédiction des pouvoirs publics.
Pendant
ce temps, les vignobles méridionaux trouvent des solutions en introduisant des
plants américains, ainsi en 1899, plus de 200.000 ha sont reconstitués dans
l’Hérault.
Il
faut souligner que la crise du phylloxéra eut une incidence sur l’orientation
de la politique viticole du Languedoc.
En effet, la
reconstitution des vignobles sur les coteaux, produisant des vins de qualité,
fut beaucoup plus lente et difficile que la plaine où on réimplanta du reste
les cépages les plus productifs sans tenir compte de la qualité.
Toujours est-il
que dans ces vignobles, les récoltes redeviennent très fortes dès 1893 et ne
trouvaient pas preneur du fait de la concurrence de vins de bas prix revêtus
d’étiquettes prestigieuses. Dans un tel contexte, les rapports professionnels
deviennent impossible (chaque famille producteur et négociant s’accusant du
malheur des autres).
La loi du 1er
août 1905 intervient pour remédier d’abord aux fabrications de vin. Elle est
complétée en 1908 pour tenter de gérer les Appellations d’origine : ces deux
réglementations (celle définissant les appellations d’origine et celle sur les
pratiques œnologiques) évolueront d’abord individuellement l’une de l’autre,
puis se retrouveront étroitement mêlées pour devenir indissociables.
A. HISTORIQUE DES APPELLATIONS D’ORIGINE
L’appellation
d’Origine n’est pas une simple indication de provenance : il s’y attache une
certaine idée d’originalité et de qualité. Cette opinion était loin d’être
majoritaire au début du siècle même parmi les viticulteurs.
Une thèse négligeant complètement les faits pour s’en tenir aux mots
a largement prévalu lors de
l’élaboration des premiers textes : l’appellation d’origine indique l’origine
géographique ; on n’a pas à considérer autre chose en elle et il suffit de
protéger l’origine sans songer aux autres caractères du vin. Cette opinion
trouvait largement sa source au sein du principe de droit à la propriété
individuelle acquis de haute lutte pendant la révolution : « Peut-on contester au détenteur d’un vignoble le droit de faire du nom
de ce vignoble l’usage qu’il lui plaît, quand il l’applique bien entendu
aux produits qu’il tire de son sol ? Si l’attribution du nom d’origine à un
produit est subordonné à certaines
conditions, il est porté atteinte au droit à la propriété. » 1
A l’inverse
une thèse dite réaliste voulait considérer dans l’appellation d’origine , non
pas seulement l’origine du produit, mais encore certaines qualités propres qui
constituent son originalité : cépage, couleur du vin, degré, rendement, emplacement
de la vigne, toutes sortes de paramètres observés par les producteurs comme
produisant le « bon vin » qui avait fait la notoriété de certaines régions. Dès
lors, ne pas s’imposer de respecter ces paramètres, issus des usages locaux,
loyaux et constants, conduisait à être écarté de l’utilisation de du nom de
l’appellation d’origine, ce que par principe ne pouvaient pas admettre les
tenants de la première thèse.
Pour avoir méconnu ce qui
est maintenant une évidence, la législation sur les appellations d’origine a
mis 30 ans pour se bâtir après une suite d’erreurs successives.
1) La loi du 1er août 1905
Bien entendu,
les pouvoirs publics ne pouvaient rester insensibles aux conséquences de la crise
phylloxérique. C’est ainsi qu’est votée la loi du 1er août 1905,
notamment pour lutter contre le mouillage et le sucrage, bases de la
fabrication des « vins artificiels ». Même si cette loi a un caractère général
en réprimant les fraudes et falsifications de toutes les denrées alimentaires,
nul doute que la crise viticole a été à l’origine de cette action législative.
Cette loi jette
les premières bases du respect de l’origine et de la qualité des vins dans la
mesure où elle entend punir « quiconque aura trompé ou tente de tromper le
contractant : soit sur la nature, les qualités substantielles… soit sur leur
espèce ou leur origine ».
Il
faut noter que ces dispositions figurant aujourd’hui dans le Code de la
Consommation (art L213-1 et suivants) et constituent toujours un des fondements
de notre législation commerciale.
Si la loi du 1er
août 1905 permit de réprimer les falsifications et de mettre ainsi fin en grande partie aux fabrications de vin,
elle ne permit pas de résoudre tous les problèmes relatifs à l’origine des vins.
1 Discussion de la Loi sur les appellations d’origine – M. de la
Trémoïlle député de la Gironde – 13 novembre
1913
La loi du 1er
août 1905 complétée en 1908 prévoyait des délimitations administratives. Cela fut
un échec : le premier décret (17 décembre 1908) de délimitation de la Champagne
mécontenta à la fois les Aubois, à qui il refusait l’Appellation, et les
Marnais. A la suite de l’année 1910, désastreuse pour les producteurs réduits à
la misère, il y eu en janvier 1911 une véritable émeute, réprimée par la troupe. Un second décret pris en juin
1911 pour satisfaire les viticulteurs de la Marne les souleva une deuxième
fois. Les délimitations administratives échouèrent également dans le Bordelais.
Le Conseil d’Etat
avait considéré la délimitation comme un arbitrage « en matière de propriété ». Or, les viticulteurs
n’admettaient pas que l’Administration intervint souverainement en cette matière et touchât à leurs droits
de propriété.
On note au
passage que cette conception de l’Appellation d’Origine est encore aujourd’hui
mise en avant dans des litiges avec certains pays tiers : on se souvient, sans
aller chercher bien loin, la volonté des autorités suisses dans les dernières
négociations bilatérales, à vouloir utiliser le nom
« Champagne
» pour des vins issus d’un hameau ainsi dénommé du Canton de Vaud.
On voit donc que
l’œuvre de délimitation administrative était entachée d’un double vice : d’une
part cette intervention de l’Administration en matière d’arbitrage, et, d’autre
part, la tendance des décrets à ne considérer que l’origine géographique en
faisant abstraction des véritables facteurs de la qualité du vin : le terrain
et le cépage.
C’est
pourquoi, dès 1911, le Ministre de l’agriculture Jules Pams envisagea une
nouvelle loi confiant cette fois à la justice, de telles délimitations, sans
que le débat de fond sur les critères à prendre en compte ne soit tranché.
La
guerre de 14-18 interrompt ce projet et, il fallut attendre 1919 pour que la
loi du 6 mai 1919 redéfinisse un statut pour les appellations d’origine.
2) La loi du 6 mai 1919
Elle consacre
notamment
-
le droit exclusif donné aux
tribunaux civils pour définir les appellations
d’origine,
-
l’appellation d’origine comme
un droit collectif de propriété
- l’impossibilité pour les appellations d’origine viticoles de
présenter un caractère générique et de tomber dans le domaine public.
Elle
impose par ailleurs un certain nombre de contraintes aux viticulteurs et aux
négociants pour les vins à appellations d’origine (obligation de revendiquer
l’appellation en déclaration de récolte, de tenue de registres d’entrées et de
sorties par les négociants).
Entre
1920 et 1925, de nombreuses appellations d’origine sont reconnues par les
tribunaux. Cependant, du fait d’une jurisprudence « neuve » en la matière, les
décisions manquent de cohérence.
Surtout,
du fait de l’absence de prise en compte dans la loi de la notion de « qualité
substantielle » comme but à atteindre, le dispositif montre vite ses limites et
ses effets pervers.
On voit se mettre
en place des délimitations contestables selon la compétence et le sérieux des
syndicats et des juges, des procès de délimitation « arrangés » avec une
conception souvent extensive, et surtout l’absence de définition de critères qualitatifs
: terroir (ce que l’on appelle aujourd’hui la
«
délimitation parcellaire »), cépages, pas toujours définis, rendement et degré,
jamais évoqués.
C’est ainsi qu’on
voit les zones marécageuses de Barsac et Sauternes, plantées en cépage rouge et
produisant jusqu’alors des vins ordinaires, se reconvertir par surgreffage des
vignes en cépages blancs car les vins blancs de ces vignes auraient le
droit à ces appellations avec la nouvelle loi. On voit le Médoc substituer aux
cépages qui avaient fait sa renommée des hybrides franco- américain (Noah,
interdit maintenant même pour les vins de table), à grand rendement et plus
résistants aux maladies.
Cette
situation aurait cependant pu perdurer si le Roquefort n’avait été fait avec du
lait de vache au lieu du lait de brebis traditionnel. La loi du 16 juillet 1925
mit fin à ce scandale.
Elle
provoqua aussi une réflexion au sein du monde viticole, notamment par la voie
de Joseph Capus, député de la Gironde.
3) La loi de 1927
En 1925 la
Cour de cassation, ayant à trancher entre des décisions opposées, estime,
s’agissant de ce que l’on doit comprendre par « usages locaux, loyaux et
constants » que seuls étaient envisagés par le législateur les usages relatifs
à la délimitation de la région d’origine ; on devait donc tenir aucun compte
des usages de production.
La situation
continue de se détériorer, les acheteurs étant d’autant plus trompés qu’ils
se fiaient maintenant aux titres de
mouvements spéciaux pour les vins à appellation institués par la Loi de 1919
plutôt qu’ à leur palais de dégustateur comme autrefois : les déconvenues sur
des appellations prestigieuses se multiplient, la méfiance et la mévente
s’instaurent, et les arrachages se multiplient dans les secteurs d’appellation.
En 1927, Joseph Capus fait modifier la loi de 1919 en
proposant d’ insérer un alinea à l’article 1er de la loi du 6 mai
1919 : « (…) pour les vins, l’aire de
production et l’encépagement conditionnent principalement leur appellation
d’origine ; en aucun cas les vins provenant d’hybrides producteurs directs
n’ont droit à une appellation d’origine » . Dans son esprit le « principalement » devait être une porte
ouverte à la prise en compte d’autres critères et surtout du degré minimum
naturel à la récolte, mais il ne fut pas suivi sur ce point. Ce fut pourtant à
cette occasion que furent votés, pour la seule appellation « Champagne », non
seulement les dispositions permettant de régler le différent entre l’Aube et la
Marne mais aussi l’obligation pour cette appellation de remplir d’autres
conditions de production que le sol et les cépages.
Mais cette loi révéla très vite ses
limites : elle était facultative, et de nombreuses régions préférèrent rester
sous un régime plus laxiste, et faute de bases contraignantes , on voyait
encore des vins à appellation récoltés à 7° avec des rendements de 120 à 200 hl
à l’hectare, c’est à dire avec des rendements quadruples de ce que devait être
celui d’un vin d’appellation.
Il faut noter que
dans le Languedoc Roussillon, ces textes ont suscité peu d’enthousiasme. En
1919, le Ministre de l’agriculture Henry Chiron écrit aux préfets pour les
inviter à mobiliser les professionnels pour mettre en place les appellations
d’origine « étant donné l’importance des intérêts en cause particulièrement au
point de vue de l’expansion économique ».
Cette invitation
eut peu d’échos. M. Pasquet, ingénieur agronome constatait du reste en 1930,
qu’en fait les vins des Coteaux (dits de qualité) étaient devenus les vins
médecins de ceux de la plaine. Seule l’AO Minervois a été reconnu par un
jugement du tribunal de St Pons dans un jugement de 1923.
Au plan national,
en 1934, 16 millions d’hectolitres étaient cependant déclarés en appellations
d’origine. Devant la confusion qui s’établissait sur cette notion, le Sénateur
Joseph Capus , sénateur de la Gironde depuis 1930, décida de déposer un projet
de loi permettant notamment de remédier à la multiplication anarchique des
appellations d’origine.
4) Le décret loi du 30 juillet 1935 : naissance des AOC
Ainsi, le décret loi de 1935 créé :
- la catégorie des appellations
d’origine contrôlées (AOC) qui doivent conformément à son article 21, dans leur définition)
répondre à des conditions relatives à l’aire de production, aux cépages, aux rendements,
aux procédés de culture et de vinification, etc…
-
le Comité national des vins et
eaux-de-vie (aujourd’hui INAO).
Ce
texte apporte une innovation importante dans le droit français puisqu’il
délègue à l’INAO des pouvoirs réglementaires importants. En effet, l’AOC ne
peut être définie que sur proposition de l’INAO, les ministres devant
l’approuver ou le rejeter mais non la modifier.
Il
pose aussi le principe de la consultation obligatoire des syndicats. Cette
disposition aura un rôle très important quant à la réussite du système.
En
mai 1936 paraissent au Journal officiel (JO) les premiers décrets d’AOC
(Arbois, Château Chalon, Cassis, Châteauneuf-du-Pape, Tavel, Muscat de
Frontignan, Monbazillac, Cognac).
Fin
1936, on en compte 70 et plus de 200 en 1939, mais aucune dans le Languedoc-
Roussillon.
Toutefois, les
deux systèmes, appellations d’origine contrôlées et appellations d’origine
simple continuaient de coexister, y compris, jusqu’en 1942, pour une même
appellation. Les vins à appellation d’origine simple, qu’il était difficile de
distinguer, au stade du détail, de ceux à appellation d’origine contrôlée
parasitaient les efforts des seconds et de plus concurrençaient de manière
déloyale les vins ordinaires astreints à taxation. Il fallut attendre le 3
avril 1942 pour que la double appellation disparaisse, les appellations
d’origine simple subsistant jusqu’en 1973 où elles durent s’effacer du fait de
la réglementation communautaire instituant les VQPRD (Vins de Qualité Produits
dans des Régions Déterminées). Elles
furent remplacées, avec d’ailleurs plus de contraintes de production, par les vins de pays.
5) La loi du 18 décembre 1949
La seconde
guerre et ses pénuries vont susciter un intérêt particulier pour les AOC. Le
vin comme d’autres produits est rationné et taxé. Cette mesure ne posait pas de
difficultés pour les vins de consommation courante puisque le principal critère
de fixation de prix était le degré alcoolique.
Par contre, les
vins dont la notoriété commerciale dépendait de leur valeur marchande ne
pouvaient faire l’objet d’un rationnement. Ainsi, les vins à AOC furent sortis
de ce système et bénéficièrent ainsi d’une liberté de prix.
C’est
ainsi que les AOC devinrent vraiment un instrument de promotion qualitative et
économique.
Il existait de
fait des régions qui produisaient des vins de qualité, avec de petits
rendements qui jouissaient d’une certaine
notoriété mais qui se trouvaient du fait de ce système confronté aux
productions à haut rendement et de qualité médiocre. Certains de ces vins
auraient pu prétendre à devenir AOC mais la période n’était guère propice pour
monter un dossier, procédure longue et contraignante par voie de décret.
D’autres ne méritaient peut-être pas l’AOC mais présentaient un mérite local et ne pouvaient pas être
rentables en étant taxés.
C’est
ainsi que l’INAO dès 1942 proposa la création d’une catégorie intermédiaire les
VDQS, définis par voie d’arrêtés.
Cette proposition suscita l’intérêt des
viticulteurs du midi.
En 1944, Philippe Lamour constitue le
syndicat méridional des vins de qualité pour dit-il
« Sauver le vignoble des coteaux face à celui
de la plaine ».
En 1945, un
arrêté du Ministre de l’Economie donne la liste des premiers VDQS bénéficiant
de la liberté des prix avant même la reconnaissance officielle du statut des
VDQS. La loi du 18 décembre 1949
consacre donc la catégorie des VDQS comme des appellations provenant d’une aire
délimitée, répondant à des critères de production et ayant obtenu après analyse
et dégustation le label des VDQS.
Cet
intérêt économique eut plus de retentissement que les recommandations des
préfets puisqu’un certain nombre de jugement pour la reconnaissance d’AO furent
rendus entre 1949 et 1952. Tel est le cas de Quatoutze, St-Georges d’Orques, St
Drézéry etc….
Ces jugements
sont intervenus avant la prise des arrêtés officialisant leur statut en tant
que VDQS souvent afin de marquer la notoriété du nom pour les commissions
d’enquête de l’INAO. Les jugements quand ils existaient ont du reste été
annexés aux arrêtés.
Ces textes constituent principalement le
statut des appellations d’origine.
Ils
furent compléter par la loi du 13 septembre 1973 qui supprima les AOS pour les
vins et par la loi du 16 novembre 1984 qui a permis à l’INAO de revoir par
décret en Conseil d’Etat des décisions judiciaires ou des lois. Enfin la loi du
4 juillet 1990 étendait les compétences de l’INAO à tous les produits et
supprime en 2002 les dernières AOS existantes, dans le secteur des eaux-de-vie.
En 1985 on
assiste à un passage massif de VDQS en AOC (surtout en Languedoc-Roussillon) au
point qu’on pense à la disparition des VDQS ; se pose alors la question de
l’accession à l’appellation d’origine de certains vins de pays, qui cherchent
un surcroît de notoriété, et il est
finalement décidé de maintenir les AOVDQS comme débouché ou étape vers les AOC
pour les vins de pays, définis surtout par leurs
conditions de productions .
Dans
le contexte communautaire actuel, la réglementation communautaire a telle
ouvert de nouvelles perspectives ?
B. PRATIQUES OENOLOGIQUES
1/
Avant la réglementation communautaire
Sans remonter aux
réglementations qui ont régi dès le moyen-age la fabrication et le commerce
des vins, il est intéressant de voir comment ont évolué les dispositions suite
à la crise induite par le phylloxéra.
Aux termes de l’article 7 de la loi du 14 août 1889 « toute addition au vin de sucre, au vin de
raisins secs, soit au moment de la fermentation, soit après, du produit de la
fermentation ou de la distillation des figues caroubes, fleurs de mowra,
clochettes de riz, orge et autres matières sucrées constituent la falsification
de denrées alimentaires prévues par la loi du 27 mars 1851 (…) ».
La loi du 11 juillet 1891, alors que la crise
phylloxérique s’achevait et que l’on essayait de limiter la fabrication de succédanés
de vins , disposait que : « constitue la
falsification de denrées alimentaires prévues par la loi du 27 mars 1851, toute
addition au vin, au vin de sucre ou de marc, au vin de raisins secs : 1°/ de
matières colorantes quelconques ; 2°/ de produits tels que les acides
sulfurique, nitrique, chlorhydrique, salicylique, borique ou autres analogues ;
3°/ de chlorure de sodium au-dessus de 1g/l. »
La
loi du 24 juillet 1894 interdit la vente de vin additionné d’eau ou d’alcool,
même si cette addition est connue de l’acheteur.
Enfin
la Loi du 31 mars 1903 interdit l’emploi de glucose dans la vinification, soit
en première cuvée ou pour la préparation d’un second vin par versement d’eau
sur les marcs.
Si la loi de 1905 réprime la falsification des denrées
alimentaires et des boissons, elle ne définit pas ce qu’est la falsification ;
il faut attendre le décret du 6 septembre 1907 pour connaître les manipulations et pratiques oenologiques
autorisées : « ne constituent pas des
manipulations et pratiques frauduleuses, aux termes de la loi du 1er
août 1905 les opérations ci-après énumérées, qui
ont uniquement pour objet la vinification régulière ou la conservation
des vins. (…) » . Suivait une liste des pratiques admises sur vins d’une
part, sur les moûts d’autres part ; on y trouve les deux principes repris
depuis par la réglementation communautaire qui s’applique depuis 1970 au secteur viti-vinicole : traitements
uniquement pour une bonne vinification ou conservation (pas de fabrication ou
de rattrapage de vins impropres) et principe de la liste positive.
2/ le règlement 816/70 et ses successeurs, jusqu’au règlement 1493/1999
Des dispositions particulières concernant les vins ont été prises
pour l’application du Traité de Rome. Elles ont fait l’objet du règlement 24 du
4 avril 1962 puis du règlement 816/70 portant organisation commune du marché
viti-vinicole.
Là
encore, les représentants de la région Languedoc-Roussillon se sont surtout
intéressés aux vins de table. Ils voyaient des perspectives radieuses grâce à
un marché de 250 millions de consommateurs et à la disparition de la
concurrence algérienne.
Le règlement
816/70 ne fut donc construit qu’en vue d’une gestion totale et directe de la
CEE avec des mécanismes d’intervention limitant la production mais garantissant
des prix rémunérateurs aux producteurs (prix de référence, aides diverses).
Ainsi,
l’Etat français comme les autres Etats était en quelque sorte déchargé de toute
gestion et réglementation (à l’exception des vins de pays), pour les vins de
table.
Bien
sûr, tout ne fut pas aussi rose que le souhaitaient tout particulièrement les
producteurs méridionaux. La lutte avec les vins italiens fut particulièrement
exacerbée (guerre du vin).
Les
producteurs prirent donc en grande partie conscience que les aides
communautaires ne feraient pas tout et que si le vignoble méditerranéen voulait
survivre, il devait faire autre chose que la
« bibine »
dénonçée par un ministre de l’agriculture.
Au plan CEE, le règlement
du 4 avril 1962 avait prévu qu’un règlement devait définir les règles de production des v.q.p.r.d.
(vin de qualité produit dans une région déterminée) -terme de compromis trouvé avec l’Allemagne qui
ne reconnaissait pas la notion d’appellation
d’origine.
Ce fut le règlement 817/70 du 28 avril 1970.
Contrairement à
ce qu’on avait pu craindre, ce règlement n’a pas cherché à définir la notion
d’appellation d’origine mais plutôt à harmoniser les grands principes devant
présider à la réglementation de vins de qualité (aire délimitée, rendement,
encépagement, titre alcoométrique, examen analytique et organoleptique).
Chaque
Etat membre est resté maître de définir ces conditions dans la droite ligne de
subsidiarité.
Or, depuis la
mise en place des règlements CEE, on constate que le secteur des VQPRD n’a cessé
de progresser et tout particulièrement en France. La production à AOC
représente aujourd’hui la moitié de la production française et elle représente
en matière agricole le 1er poste à l’exportation .
Dans un marché
fortement concurrentiel, il faut savoir mieux que ses concurrents répondre aux
besoins du consommateur. Or, il est vrai que depuis ces 20 dernières années, le
consommateur a marqué sa préférence pour les vins à AOC. L’AOC est certes un
concept original qui se distingue des autres signe de qualité comme la
certification ou le label. L’AOC est liée à un terroir d’où elle tire ses qualités, l’AOC dans l’esprit du
consommateur préserve les conditions naturelles et répond à une élaboration
artisanale.
Elle est à l’opposé de process industriels.
Actuellement,
le marché est porteur pour la notion d’AOC qui semble pouvoir parfaitement
répondre aux attentes des consommateurs y compris en ce qui concerne sa
traçabilité.
Il est cependant
nécessaire que l’AOC, comme le disait Jean Pinchon, ancien président de l’INAO,
ne perde pas son âme afin de répondre aux sirènes de la mode et de la facilité.
On pourrait ajouter « de la rentabilité », tant il est vrai que certaines AOC
déterminent plus leur rendement en fonction des cours à la vente et des frais
d’exploitation à l’hectare qu’en fonction du but qualitatif recherché.
Il
est donc important si nous voulons conserver ce patrimoine national de tout
mettre en œuvre pour le défendre. Cela suppose bien entendu des contrôles et
des sanctions.
Il est important,
alors que nous mettons toujours en avant dans les discussions internationales,
la rigueur de notre système d’AOC qu’il soit réellement respecté, c’est à dire
que les produits soient effectivement contrôlés de la production jusqu’au
consommateur.
Ce
n’est que de cette façon que nous crédibiliserons notre système tout en lui
conservant sa spécificité.
C’est ce système qui fait l’objet d’une
protection internationale dans le cadre de l’OMC.
Cette protection
a été très difficile à obtenir car de nombreux pays tiers n’entendaient pas
s’engager dans une protection de noms géographiques dans la mesure où ils en
usurpaient certains (cas des USA : champagne, Chablis, Beaujolais, etc).
Cette négociation a cependant pu aboutir dans
le cadre des accords de Marrakecht.
Cependant tout
n’est pas gagné, car les pays tiers entendent aujourd’hui obtenir des
compensations dans le secteur viticole et notamment par une reconnaissance
réciproque de leurs pratiques œnologiques.
Cela m’amène à vous parler des pratiques œnologiques et de leur finalité.
Les pratiques œnologiques
eurent pendant longtemps pour but essentiel d’obtenir des conditions de
vinification et de conservation aussi « hygiéniques » que possibles.
Il
est vrai, et tout particulièrement dans cette région, que les œnologues ont
joué un rôle très important pour améliorer la qualité des vins.
Les
pratiques œnologiques étaient réglementées en France par divers textes avant la
réglementation CEE de 1970. Celle-ci s’est très fortement inspirée de notre
réglementation.
Elle
a cependant imposé le principe des listes positives à savoir que tout ce qui
n’est pas autorisée est interdit (contrairement aux principes généraux du droit
français).
La réglementation
CEE a laissé cependant aux Etats membres la possibilité d’expérimenter
certaines techniques nouvelles en vue de les faire reconnaître à la CEE. Elle
voulait éviter ainsi de figer le système et de pouvoir prendre en compte les
progrès technologiques (électrodialyse, osmose inverse, etc…).
La
nouvelle OCM (R.CE 1493/1999 du 14 juillet 1999) , entrée en vigueur le 1er
août 2000, n’a rien innové en matière de pratiques.
Elle
n’a pas remis en cause les pratiques principales, celles qui suscitaient le
plus de controverses, telles l’enrichissement ou l’acidification .
L’enrichissement
Aucune
règle nouvelle n’a été adoptée. Le sucre reste possible où il était employé et
interdit là où il l’était à savoir notamment dans le Languedoc-Roussillon.
Les aides
compensatoires au MCR subsistent sous réserve bien entendu du respect des
règles. Les règles d’enrichissement restent inchangées. A ce sujet, la France
lors de l’adoption des règlements d’application (RCE 1622/2000 du 24 juillet
2000) a obtenu un assouplissement du système des déclarations préalable
d’enrichissement.
En effet, non
seulement la viticulture méridionale estime depuis fort longtemps être
pénalisée par l’interdiction du saccharose, mais aussi par les formalités liées
à l’utilisation des MCR (primes) qui sont beaucoup moins bien respectées par
les régions septentrionales du fait qu’il n’existe pas alors de pénalités financières.
Toutefois,
il faut souligner que grâce à la mise en place de la technique d’analyse de
l’enrichissement par RMN un certain équilibre a été rétabli au niveau des
contrôles.
On
constate du reste une certaine stabilité sinon une baisse des infractions en
matière d’enrichissement par le saccharose.
La
seule nouveauté en matière d’enrichissement est l’osmose inverse. Mais
s’agissant d’appareils jusqu’alors onéreux, le Languedoc n’a procédé à aucune
expérimentation à ce sujet.
L’acidification
Depuis
plusieurs années, les scientifiques ont constaté une baisse de l’acidité dans
tous les vignobles.
En
dehors de la variation des conditions climatiques, beaucoup accusent l’abus
d’engrais à base de potasse, celle-ci s’étant fixée dans les sols.
Cette
situation conduit bien entendu les viticulteurs à acidifier. Certains le font
dans les règles (déclaration), d’autres sous couvert d’achat de produits divers
(peinture en Bourgogne).
Aujourd’hui la
Commission a clarifié le problème de l’exclusion de cette pratique en cas
d’enrichissement. Le moût et le vin étant deux produits différents, on peut
enrichir et acidifier une même cuvée, pourvu que cela soit fait à des stades
différents : ceci est d’ailleurs pratiquement incontrôlable, et cette condition
ressemble plus à une clause de style.
Par
contre, l’acidification ne peut être réalisée avec n’importe quel acide et
notamment pas avec de l’acide sulfurique.
Il
est évident que les viticulteurs qui pratiquent ce type de fraude, font prendre
un risque important à l’ensemble du vignoble.
Les
consommateurs sont de plus en plus sensibles (et les médias aussi) à tout ce
qui touche la sécurité alimentaire.
Enfin, je
rappelle pour mémoire qu’un certain nombre de pratiques restent interdites
telles la coloration ou l’aromatisation, qui semblent parfois être pratiquées
indirectement via l’addition de tanins spéciaux. Dans le même ordre d’idée, la
cour de Cassation a estimé que l’emploi de copeaux de chêne (à des fins
aromatisantes), hors les cas d’expérimentation pour certains vins de pays,
était une pratique illicite car non prévue par la réglementation communautaire,
et non assimilable à l’élevage en fût, contrairement à ce que prétendait la
défense.
Ces
deux pratiques s’inscrivent dans la droite ligne de la fabrication de vin. Si
elles sont tolérées à l’étranger, la communauté européenne les a jusqu’à
présent rejetées.
Cependant,
on ne peut ignorer que certaines pratiques sont en fait détournées de leur but
réglementaire pour permettre ces pratiques interdites (cas des tanins par
exemple).
De même certains essais de pratiques
nouvelles comme les copeaux ont été interdits pour les
AOC.
En effet, l’INAO a considéré que même si
cette pratique était mondialement utilisée, elle était
de nature à banaliser la
typicité de nos appellations voir à ouvrir la porte à certaines fraudes comme
l’aromatisation.
Les australiens
ne cachent pas que leur boisé peut être un support d’arômes. Là encore, en
matière de pratiques œnologiques, la France et les autres pays producteurs
(Italie, Espagne, Grèce) ont œuvré pour que la CEE exclue pour les vins
produits dans l’Union toutes les pratiques qui pourraient à terme faire du vin,
un produit agro-alimentaire industriel.
Cependant, alors
que s’ouvrent les négociations dans le cadre de l’OMC, mais aussi celles en
matière de pratiques œnologiques avec les USA, il est évident que le seul point
de vue de l’Union européenne ne pourra triompher.
Il est
vraisemblable que l’on ira vers une reconnaissance mutuelle des pratiques et
que cela sera accompagné par une liberté non seulement de circulation des
produits mais aussi d’élaboration de moûts de pays tiers, de coupage CEE, pays
tiers etc…
La
tentation sera alors grande de faire comme les autres et tout particulièrement
dans le Languedoc où la concurrence avec les pays tiers pour les vins de table
sera d’autant plus difficile.
Il
sera donc très important si les vins français veulent garder ce plus qui a fait
leur renommée et qui pour beaucoup d’AOC justifie un prix élevé, que les
pratiques soient très contrôlées.
Il
va de soi que dans le contexte de sécurité alimentaire actuel, qui reste pour
les Etats, le seul motif de rétorsion de certains produits, il faudra également
être particulièrement vigilant.