vendredi 24 mai 2019

Vin et cancer

David Khayat : "Le vin n'est pas cancérigène"
Le chef du service d'oncologie de l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière publiera en mai un livre sur le cancer et l'alimentation*

Le Nouvel Observateur. - Il y a un an, l'Institut national du Cancer (INCa) soutenait que le premier verre était cancérigène. Pas vous ?
David Khayat. - Non, je maintiens ma position. Je me suis appuyé sur toutes les études scientifiques recensées par le World Cancer Research Fund (WCRF). Sur les 28 qui ont évalué les risques de cancer de la bouche des consommateurs de vin, 14 étaient utilisables : 9 d'entre elles montraient que les buveurs excessifs risquaient plus de cancers que les modérés, mais 5 disaient l'inverse! En les regroupant, on arrive à la conclusion que les buveurs excessifs auraient 2% de risques supplémentaires de cancer de la bouche par rapport aux buveurs modérés. C'est dire qu'entre les deux groupes il n'y a que l'épaisseur d'un trait.
Par ailleurs, on ne comptabilise que 12 O00 nouveaux cas en France par an sur 66 millions d'individus. Alors, si le vin était cancérigène au premier verre, il est évident que l'on en verrait beaucoup plus!

N. 0. - Vous en concluez donc que boire du vin n'est pas dangereux?
D. Khayat. - Je conclus avec certitude que, contrairement à ce qu'affirme l'INCa, le premier verre n'est pas cancérigène. Ceci d'ailleurs a depuis été confirmé par le Haut Conseil de la Santé Publique. Mais, surtout, d'autres études plus récentes ont montré que dans 60% des cas le cancer de la bouche a pour origine un virus, le papillomavirus, le même que celui qui est à l'origine du cancer du col de l'utérus.
Cette découverte rend finalement caduque toutes les études. Et la situation est à peu près la même pour les cancers du colon, du sein ou même du foie, où seul l'excès d'alcool - au- delà de 30 grammes d'éthanol par jour entraînerait une augmentation par ailleurs très faible (1 à 6% du risque).

N. 0. - Quelle consommation préconisez-vous ?
D. Khayat. - 2 verres par jour pour les femmes, et 3 pour les hommes, vin rouge, blanc ou champagne. S'il est faible en alcool et en sucre, c'est encore mieux, comme par exemple le champagne extra-brut. Car il faut savoir que 3 verres de vin contiennent entre 5 et 6 grammes de sucre et celui-ci a des effets délétères : il provoque de l'embonpoint, dans lequel se nichent les adipocytes qui sécrètent des hormones femelles favorisant les cancers du sein. On y trouve aussi des substances qui stimulent la croissance des cellules cancéreuses (IGF-1) et qui
provoquent, en plus, un risque de diabète. Propos recueillis par E. R. et S. C.