mardi 21 mai 2019

Bulle de Champagne

Loin de moi l'idée de "coincer la bulle" de Champagne, mais plutôt de tenter rétablir quelques vérités, de mettre à mal quelques idées fausses sur le Champagne, pour mieux appréhender ses bulles et son effervescence.
  • Origines de la prise mousse : la naissance du Champagne est un sujet très controversé.
    • L'invention de la prise mousse date de la fin du XVe siècle environ. Avant cette époque, les vins de Champagne étaient des vins tranquilles. Les températures chutèrent brutalement dans l'hémisphère nord, du fait d'un rafraîchissement général (petit âge glaciaire). Les fermentations alcooliques n'eurent alors plus le temps de se terminer avant l'hiver. Elle reprenaient donc naturellement au printemps, créant de ce fait une légère effervescence : le Champagne et la prise de mousse étaient nés.
    • Cette effervescence inhabituelle était considérée comme un défaut du vin, et provoqua une baisse très importante des ventes de vins de Champagne aux aristocrates français, au profit des vins de Bourgogne.
    • En 1668, Dom Pérignon, fut chargé de réhabiliter les vins de Champagne, en produisant à nouveau des vins sans bulles.
    • Même si la prise de mousse a été inventée en Champagne, on ne peut pas attribuer cette découverte à Dom Pérignon.
    • Tandis que Dom Pérignon travaillait à l'élimination des bulles dans les vins de Champagne, la noblesse anglaise manifestait un engouement certain pour les vins de Champagne pétillants. A tel point que les anglais s'étaient rendu compte qu'en rajoutant du sucre aux vins de Champagne, l'effervescence (et le dégré d'alcool) augmentaient. En décembre 1662, l'anglais Christopher Merret écrit un mémoire sur la fabrication des vins mousseux, ce qui explique que certains attribuent faussement l'invention de la prise de mousse aux anglais.
    • Plus tard, les membres de la cours de France commencèrent également à apprécier les vins effervescents, si bien qu'à la fin du XIIe siècle, Dom Pérignon fit volte-face, et utilisa toute son énergie à augmenter l'effervescence des vins de Champagne, pour répondre à la nouvelle demande du marché. Il inventa ainsi :
      • un système de bouchage efficace, resistant à la pression
      • l'art de l'assemblage, qui fait encore aujourd'hui la qualité de nos vins de Champagne
  • Jet de "fumée" à l'ouverture de la bouteille de Champagne :
    • Contrairement aux idées reçues, la fumée qui s'échappe d'une bouteille de Champagne au débouchage n'est pas constituée de CO2. En effet, le CO2 est totalement invisible.
    • Ce nuage de fumée est constitué par des vapeurs d'eau et d'éthanol. La baisse instantanée de la pression de 6 bars à 1 bar au cours du débouchage de la bouteille de Champagne entraîne une baisse importante de la température, qui elle-même entraîne la condensation immédiate des vapeurs d'eau et d'éthanol contenue dans le haut de la bouteille de Champagne, sous forme de microgoutelettes.
  • Nombre de bulles dans le Champagne :
    • Une bouteille de 75 cl de Champagne contient environ 5 litres de CO2, soit environ 0,7 litres de CO2 par flûte classique
    • Ces 0,7 litres de CO2 représente un potentiel de 11 millions de bulles par flûte de Champagne
    • Cependant, seulement 20 % du CO2 s'échappent sous forme de bulles, les 80 % du CO2 s'échappent directement par la surface du liquide. Nous avons donc environ 2 millions de bulles par flûte de Champagne
    • Contrairement aux idées reçues, il n'y a aucune différence d'effervescence ou de quantité de bulles entre une flûte en verre et une flûte en cristal
  • Formation des bulles de Champagne :
    • Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les irrégularités du verre des flûtes à Champagne qui sont à l'origine de la formation des bulles. Ces irrégularités sont en effets bien trop petites pour permettre la formation des bulles.
    • Les bulles de Champagne se forment à partir des fibres de celluloses, provenant soit de particules en suspension dans l'air, soit du torchon utilisé pour essuyer les flûtes. Il est donc vrai :
      • Qu'il ne faut jamais laver des flûtes de Champagne au lave vaisselle, et encore moins avec ajout de produit de rinçage, sous peine de ne plus avoir suffisamment de bulles dans les flûtes.
      • Qu'il est souhaitable de stocker les flûtes à Champagne debout (et non à l'envers), pour permettre aux poussières en suspension dans l'air de retomber dans les flûtes.
    • Pour l'annecdote, la graisse naturelle de nos lèvres, certains produits cosmétiques (comme le rouge à lèvre) peuvent suffire à enlever toutes les bulles de la surface d'une flûte de Champagne. Pour vous en convaincre, vous pouvez tenter cette petite expérience : faites tourner votre doigt dans votre oreille (même propre), puis trempez-le délicatement dans votre flûte de Champagne, et les bulles présentes à la surface de la flûte de Champagne disparaissent presque instanément. Cette pratique est à éviter en bonne société, sauf à vouloir vous fâcher avec vos convives. A essayer tout de même ...
  • Taille des bulles de Champagne :
    • Durant son ascension sur les 10 cm de hauteur de la flûte classique, la bulle de Champagne invisible à l'oeil nu à sa création, voit son volume multiplié par 1 million. Son diamètre passe de 1 µm à environ 1 mm.
    • La taille de la bulle de Champagne dépend essentiellement de la quantité de CO2 dissous. Ainsi :
      • Contrairement aux idées reçues, la bière à des bulles beaucoup plus petites (30 %) que le Champagne. En effet, la bière contient environ 2 fois moins de CO2 dissous que le Champagne.
      • Conformémént aux idées reçues, on peut dire que plus les bulles sont fines, meilleure est la qualité du Champagne. En effet, on considère généralement aue les vieux Champagnes sont de meilleure qualité que les Champagnes jeunes. Or, plus le vieillissement sur lattes du Champagne est long, plus il perd de CO2, moins il contient de CO2 dissous, et plus les bulles sont fines. En fait, la finesse des bulles n'est pas un indicateur de la qualité du Champagne, mais de son âge.
  • Bulles de Champagne et expression aromatique : il est vrai que les bulles de Champagne ont pour effet de décupler l'intensité des arômes ressentis par le dégustateur. Il est donc inutile de faire tourner le Champagne dans le verre au cours de la dégustation, comme on le fait avec les vins tranquilles.
Source : "Le Champagne - Effervescence, la science du Champagne" - Auteur : Gérard Liger-Belair - Editions Odile Jacob
Pour plus d'informations sur l'effervescence du Champagne, n'hésitez pas à contacter Monsieur Gérard Liger-Belair, Physicien, Chercheur au Laboratoire d'Oenologie de l'université de Reims, à cette adresse : gerard.liger-belair@univ-reims.fr