lundi 21 septembre 2020

Phénomènes enzymatiques préfermentaires

 Les enzymes jouent un rôle très important en Oenologie:

                              - Phénomènes d’oxydation.

                              - Phénomènes de clarification et notamment de débourbage.

1)- Généralités.

               Toutes les enzymes sont de nature protéique.

               Les enzymes sont des catalyseurs de réaction :

                              - Elles agissent à faibles doses. Une seule molécule d’enzyme transforme plusieurs millions de molécules de substrat par minute.

                              - Elles ne modifient pas l’équilibre d’une réaction réversible. L’équilibre final est le même est donc le même qu’en l’absence d’enzyme, mais il est obtenu beaucoup plus rapidement.

                              - Leur structure avant et après la réaction est la même.

               Pour agir, l’enzyme de combine réversiblement avec son substrat, c’est à dire le composé chimique qui est soumis à l’action de l’enzyme.

               Entre vendanges et F. A., après le traitement mécanique des vendanges.

               Souvent sous-estimés, ils jouent un rôle important sur la qualité des vins futurs (couleur, clarification).

2)- Oxydation enzymatique du moût - Casse oxydasique ou casse brune.

Composés phénoliques + O2 è quinones qui polymérisent en mélanines (brunissement) 

Cette oxydation des composés phénoliques est accélérée par les enzymes d’oxydation (tyrosinase et laccase).

               La casse oxydasique a de tout temps été une des préoccupations essentielles des vinificateurs.

               La nature enzymatique du phénomène fait que l’oxydation du moût est très rapide.

  

               Les agents responsables de l’oxydation enzymatique sont :

 

Les phénoloxydases (enzymes d’oxydation).

 

               Il faut cependant distinguer la tyrosinase qui est une phénoloxydase toujours présente dans le raisin sain, et la laccase qui est une phénoloxydase sécrétée par botrytis cinerea.

 

               Ces deux enzymes catalysent l’oxydation des composés phénoliques à partir de l’O2 atmosphérique.

 

                              21)- Nature et activité des phénoloxydases.

 

                                            * La tyrosinase.

              

               C’est la seule enzyme d’oxydation active dans le raisin sain.

 

                                                           - Activité de la tyrosinase.

 

               Oxydation des composés phénoliques à partir de l’O2 atmosphérique.

 

               La tyrosinase est une enzyme cuprique, c’est à dire que le cuivre est un facteur d’activité. Sans cuivre du tout, la tyrosinase n’a aucune activité enzymatique. L’expérience a été réalisée en faisant précipiter la totalité du cuivre par H2S.

 

               Cependant, si on enlève tout le cuivre du vin, on risque le goût de mercaptan.

 

               Le cuivre de plus un facteur limitant de l’activité tyrosinase.

 

                                                           - Influence des conditions du milieu sur l’activité tyrosinase.

 

                                                                          - pH optimum : 4,75.

 

                                                                          - La tyrosinase est instable au pH du moût donc facile à inhiber.

 

                                                                          - Température optimum : 30 °C.

 

                                                                          - Sensible au SO2 et à l’alcool.

 

                                                                          - Elle est inhibée par les quinones qu’elle forme.

 

                                                                          - Certaines souches peuvent l’inhiber.

 

                                                                          - La tyrosinase est assez fortement thermorésistante. Elle est inactivée par un chauffage à 55 °C pendant 30 minutes.

 

                                                           - Localisation de la tyrosinase.

 

               La tyrosinase se trouve généralement associée à des inclusions cytoplasmiques, et en particulier aux chloroplastes et aux mitochondries.

 

               Au cours de l’extraction, seule une partie de l’activité de la tyrosinase est solubilisée dans le moût: l’activité soluble. Une autre partie reste liée aux inclusions cytoplasmiques, c’est l’activité particulaire.

 

               La tyrosinase a donc 2 activités :

 

                              - Une activité soluble, qui ne représente qu’une partie de l’activité tyrosinase.

 

                              - Une activité particulaire, c’est à dire liée aux inclusions cytoplasmiques des cellules, qui est éliminée au cours du débourbage en vinification en blanc.

 

               La proportion d’activité soluble et d’activité particulaire varie selon le cépage et selon le pH du moût qui intervient sur la solubilisation de l’enzyme.

 

                                            * La laccase.

 

                                                           - Activité de la laccase.

 

               Elle n’est présente que dans les moûts issus de vendanges pourries, car elle est sécrétée par la pourriture grise (Botrytis cinerea).

 

               Comme la tyrosinase, elle oxyde les composés phénoliques à partir de l’O2 atmosphérique.

 

               Comme la tyrosinase, la laccase est une enzyme cuprique.

 

                                                           - Influence du milieu sur l’activité laccase.

 

                                                                          - pH optimum : 4,75, mais la laccase est très stable au pH du moût, donc très difficile à inhiber.

 

                                                                          - La laccase est résistante au SO2 et à l’alcool.

 

                                                                          - Température optimum : 40 °C. Cependant, la laccase a une grande thermo sensibilité : activité détruite par un chauffage à 45 °C pendant moins de 10 minutes.

 

                                                                          - La laccase est présente uniquement dans les vendanges pourries. Cette libération de la laccase par la pourriture grise est expliquée comme un phénomène de détoxycation. En effet les composés phénoliques du raisin sont toxique pour botrytis cinerea, qui libère la laccase pour éviter la mort.

 

                                                                          - La laccase est une enzyme extra-cellulaire c’est à dire entièrement soluble dans les moûts. On ne peut donc pas l’éliminer par débourbage.

 

                              22)- Extraction et mesure des activités des phénoloxydases.

 

               On peut mesurer l’activité oxydasique totale d’un moût, directement dans celui-ci, à l’aide d’un oxymètre, en mesurant la vitesse de la consommation de l’O2.

 

               Si le raisin est sain, on ne mesure que l’activité tyrosinase, si le raisin est partiellement pourri, on mesure l’activité tyrosinase et l’activité laccase.

 

               Il existe actuellement deux méthodes qui permettent de doser l’activité laccase seule. Cette mesure spécifique de l’activité laccase permet, outre une estimation du risque de casse oxydasique des moûts et des futurs vins, une estimation précise de l’état sanitaire de la vendange.

 

               La première méthode utilisée consiste à mesurer la demande en oxygène de la laccase, au cours d’une réaction enzymatique avec un substrat spécifique.

 

               La deuxième méthode utilisée utilise la propriété de la syringaldazine de provoquer avec la laccase, une réaction colorée dont on peut ensuite mesurer l’intensité par densité optique. Cette méthode est distribuée par la société Bio Serae, soit en tests simple et peu coûteux, soit pour des systèmes automatisés. 

 

                              23)- Mécanisme et cinétique de l’oxydation enzymatique.

 

                                            * Mécanisme de l’oxydation enzymatique.

 

                              2 étapes bien distinctes :

 

                                                           1)- Dissolution de l’O2

 

               Elle n’a aucun caractère enzymatique.

 

               Elle est mesurée par l’oxymètre (électrode de Clark).

 

               La solubilité de l’O2 dans les moûts ou les vins dépend de la température :           

 

                                            - 8,6 mg/l à 20 °C soit 6 cm3/l.

 

                                            - 11,4 mg/l à 0°C soit 8 cm3/l.

 

               Plus le vin est froid, plus la dissolution d’O2 sera importante.

 

               Cette saturation du moût en O2 se fait en quelques minutes (2 à 3), avec agitation à l’air. Dans le vin, la dissolution de l’O2 est encore facilitée à cause de la présence de l’alcool qui favorise l’émulsion.

 

               Récolte :

 

               Pendant la récolte et le transport de la récolte, s’il y a libération de jus, celui-ci pourra se saturer en O2 plusieurs fois de suite. Il faut donc essayer de récolter et transporter la vendange aussi intactes que possible.

 

               Les machines à vendanger peuvent donner jusqu’à 70 % de baies éclatées dans la vendange. Elle favorisent donc largement la dissolution de l’oxygène dans les vins.

 

               Vinification en blanc :

 

               Au niveau de la vinification, même dans le case de la vinification en blanc champenoise par pressurage direct, avec des raisins sains transportés avec précaution, il apparaît que dés le chargement des pressoirs, le jus libéré durant cette opération est pratiquement saturé en oxygène.

 

               Cependant, il est à noter que les pressoir s pneumatiques, grâce à leur grandes rapidité d’extraction des jus, sont les pressoirs qui provoquent les plus faibles dissolution d’oxygène dans les moûts.

 

               Vinification en rouge :

 

               Dans le cas de vinification en rouge traditionnelle, c’est à dire avec foulage et éraflage partiel ou total, la saturation des jus en O2 est inévitable. La macération carbonique fait cependant exception à la règle, puisque pour cette technique, il y a mise en cuve de grappes entières. Cette technique est utilisée dans le Beaujolais.

 

               Après le décuvage, il peut y avoir dissolution de l’oxygène dans les vins.

 

               Elevage et conservation des vins :

 

               Au cours de la conservation des vins dans un récipient en vidange, il se dissout 1,5 cm3/l /h d’oxygène pour une surface de contact avec l’air de 100 cm2.

 

               Au cours d’un soutirage à l’air, il se dissout 3 à 4 cm3/l d’oxygène.

 

               Lors de la conservation des vins en fûts de chêne neufs, la pénétration de l’oxygène à travers le bois est estimée à 2 à 5 cm3/l/an. Mais l’introduction d’un vide en surface du fut (mauvais ouillage), peut permettre la dissolution de 15 à 20 cm3/l/an d’oxygène. Cette oxygénation ménagée dans les fûts de chêne neuf conduit à une stabilisation de la couleur des vins rouges (combinaisons anthocyanes-tanins).

 

                                                           2)- Combinaison de l’O2 dans le moût.

 

               L’oxydation enzymatique des composés phénoliques à partir de l’O2 atmosphérique sous l’action de la laccase et de la tyrosinase se déroule en deux temps:

 

                              1)- Formation de quinones ou d’hydroquinones.

 

                              2)- Brunissement qui correspond à la polymérisation des quinones entre elles. Les complexes ainsi formés sont mal connus (mélanines). Ils ont une faible solubilité ce qui explique l’apparition d’un trouble.

 

                                            * Cinétique de l’oxydation enzymatique.

 

               La saturation d’un moût en O2 correspond à la dissolution de 8,6 mg/l d’O2 à 20 °C en quelques minutes.

 

               Dans un vin qui ne renferme pas d’activité enzymatique, la combinaison de ces 8,6 mg/l d’O2 dépend de la température :

 

                              - 14 jours à 20 °C

                              - 25 jours à 13 °C

                              - 18 jours à 17 °C

                              - 3 mois à 3 °C.

 

               Dans un vin qui contient une activité oxydasique, ces 8,6 mg/l d’O2 vont se combiner aux composés phénoliques en 4 min en moyenne, soit une vitesse de combinaison enzymatique de l’ O2 au moût de :                    

2 mg/l/min

 

              

               Au cours de la vinification, des cycles de quelques minutes chacun de solubilisation de l’oxygène et de combinaison de cet oxygène se succéderont.

 

               Le caractère quasi spontané de la combinaison de l’O2 dans les moûts est du à la nature enzymatique et non chimique de la combinaison.

 

               En effet la combinaison chimique de l’O2 est beaucoup plus lente, et dépend de la température :

                                                           - 14 jours à 20 °C

                                                           - 3 mois à 3 °C.

 

               Dans la pratique (récolte, transport, vinification), le jus libéré à l’air va pouvoir se saturer plusieurs fois de suite en O2. L’O2 ainsi dissout dans le moût va pouvoir se combiner enzymatiquement très vite aux composés phénoliques (tanins et anthocyanes), entre la récolte et la vinification, pour donner des quinones (brunissement).

 

                              24)- Facteurs intervenant sur l’activité enzymatique.

 

                                            * Influence de la température au moment de l’extraction des moûts.

 

               Plus la température augmente plus la consommation des moûts en O2 augmente. Par exemple, elle 3 fois plus importante à 30 °C qu’à 12 °C.

 

                Donc, les risques de casse oxydasique diminuent en vendanges froides.

 

               En vinification en blanc, le débourbage par le froid est un moyen de ralentir l’oxydation des moûts. Cependant, le froid ne détruit pas les enzymes. Leur activité reprendra dès le réchauffement.

 

               Par contre, les hautes températures (65 à 70 °C) détruisent les enzymes et empêchent définitivement la casse oxydasique.

 

                                            * Influence des aérations successives du moût.

 

               Pendant la vinification, le moût est saturé plusieurs fois de suite en O2.

 

               La vitesse de consommation de l’O2 diminue après chaque aération successive du moût, pour devenir pratiquement nulle après la 4è ou 5è saturation par l’air, selon l’état sanitaire de la vendange.

 

               Le temps de combinaison de l’O2 double d’une oxydation à l’autre. On a donc une inhibition des enzymes d’oxydation (laccase et tyrosinase) au cours des oxydations successives qu’elles catalysent.

 

               Il ne faut donc pas vouloir vinifier totalement à l’abri de l’air, car on obtient ainsi des jus qui “cassent” dès qu’ils sont en contact avec l’air. C’est ce qui a été constaté en vinification en blanc, par pressurage direct avec utilisation d’un pressoir coffré dans une enceinte saturée en CO2.

 

                                            * Influence des bourbes.

 

               Laccase : enzyme entièrement soluble.

 

               Tyrosinase :        - 1 partie soluble.

                                             - 1 partie particulaire c’est à dire associée aux débris de matières solides (bourbes).

 

               En vinification en blanc, l’élimination rapides de ces bourbes (ou débourbage) par décantation statique ou par centrifugation permet l’élimination de l’activité particulaire tyrosinase, et de ce fait une diminution de l’activité phénoloxydasique, même si ces moûts sont encore opalescents.

 

               De même, les jus de presse en vinification en rouge, sont plus bourbeux que les jus de goutte et donc plus cassant.

 

               On a de plus constaté qu’en vinification champenoise, plus on avance dans le fractionnement du pressurage, plus les moûts obtenus ont une activité oxydasique importante.

 

                                            * Influence de la pourriture grise sur l’activité oxydasique des moûts et sur la composition en composés phénoliques des vins.

 

                                                           - Relation entre le taux de pourriture et l’activité laccase du raisin.

 

               L’activité laccase augmente proportionnellement au pourcentage de baies pourries.

 

               Par contre l’activité tyrosinase est détruite en partie par la pourriture grise. On a donc moins de tyrosinase en vendange pourrie qu’en vendange saine.

 

               L’activité oxydasique totale des vendanges pourries n’est donc pas obligatoirement plus élevée que celle des vendanges saines, mais l’activité laccase des vendanges pourries est plus difficile à inhiber que l’activité tyrosinase des vendanges saines.

 

                                                           - Relation entre l’activité laccase des moûts et des vins et leur aptitude à la casse oxydasique.

 

               Il n’y a pas toujours de relation directe entre activité laccase et aptitude à la casse oxydasique des moûts et des vins.

 

               Certains vins pauvres en activité laccase sont sensibles à la casse oxydasique, d’autres au contraire sont résistants à la casse oxydasique, bien que riches en activité laccase.

 

               La laccase n’est pas le seul facteur de la casse brune. La nature des substrats (composés phénoliques) et leur concentration dans le milieu ont une grande importance.

 

               Remarque : sur raisin trié, l’activité laccase est 10 fois moins importante que sur le raisin non trié. 

 

                                                           - Relation entre le taux de pourriture et la composition phénolique des vins rouges.

 

               Plus le pourcentage de pourri augmente, plus les vins rouges ont une nuance jaune, et plus leur intensité colorante est faible.

 

               La teneur en anthocyane et en tanins diminue quand le pourcentage de pourri augmente.

 

               Dans le cas de vendanges pourries, si le vin obtenu renferme une activité laccase résiduelle, et que celle-ci n’est pas inhibée, par un sulfitage par exemple, le vin va casser très rapidement dés qu’il est mis en contact avec l’air.

 

               En vins rouges, pour obtenir un vin de qualité, il ne faut pas dépasser :

 

                              - 15 % de pourri humide.

 

                              - 10 % de pourri sec.

 

               25)- Moyens de lutte contre le brunissement enzymatique.

 

               Aucun moyen de lutte curatif contre la casse oxydasique, mais des moyens préventifs.

 

               A la récolte, il faut :

 

                                            - Ne pas écraser le raisin.

 

                                            - Transporter le raisin en petits volumes plutôt qu’en grands volumes.

 

                                            - Ne pas triturer la vendange.

 

                                            * Inhibition par les anti-oxydants.

 

                                                           - utilisation du SO2.

 

               Le sulfitage est le moyen le plus simple et efficace de prévention de la casse oxydasique.              

              

               Pour une même dose de SO2, l’effet sera d’autant plus élevé que le sulfitage se fera vite.

 

               L’activité laccase est très difficile à inhiber par le SO2 dans les moûts (15 g/hl n’y suffisent pas). Dans les vendanges pourries, on cherchera plutôt à inhiber la laccase en vin, car il y a alors un effet conjugué du SO2 et de l’éthanol.

 

               Dans la pratique, il faut stopper ou ralentir l’activité oxydasique, sans trop retarder la fermentation alcoolique.

 

                                                           - Utilisation de l’acide ascorbique.

 

               L’acide ascorbique n’a aucun effet inhibiteur vis à vis des phénoloxydases.

 

 

               Par contre l’acide ascorbique est très réducteur. Cependant, son action n’a qu’une action limitée dans le temps.

              

               L’acide ascorbique doit donc toujours être utilisé en association avec le SO2 (au moins 30 à 50 mg/l de SO2 libre) pour éviter ce phénomène.

 

               L’acide ascorbique ne provoque qu’un retard à l’oxydation.

 

               L’acide ascorbique ne convient que pour des aérations de courtes durées (soutirage à l’air, mises en bouteilles) en association avec le SO2, mais ne convient pas en vinification, à cause de l’aération ^prolongée due aux différentes manipulations de la vendange.

 

                                            * destruction des phénoloxydases par la chaleur.

 

               Intéressant pour les vendanges pourries car la chaleur est le seul point faible de la laccase.

 

               En vinification en blanc, il faut chauffer après le pressurage car la chaleur favorise la macération qui n’est pas souhaitable en blanc.

 

               En vinification en rouge, le chauffage peut se faire avec les parties solides, car cela permet :

 

                              - l’extraction de la couleur.

 

                              - la destruction de la laccase des vendanges pourries.

 

               Problèmes posés par le chauffage :

 

                              - destruction des pectinases (enzymes clarifiants). L’addition de pectinases ne suffit pas ensuite pour obtenir une bonne clarification.

 

                              - défauts d’arômes en vinification en rouge, et perte d’arôme en vinification en blanc.

 

                              - La couleur extraite par la chaleur est très instable.

 

               Vis à vis de la laccase et de la tyrosinase, un chauffage à 55-60 °C inhibe toute activité enzymatique. Plus on chauffe haut, moins il faut chauffer longtemps. En pratique, on chauffe plus fort et moins longtemps.

 

               26)- Activités oxydasiques résiduelles dans les vins.

 

                              261)- Activité tyrosinase.

 

               En vinification traditionnelle, avec aération ménagée, il n’y a pas d’activité tyrosinase résiduelle dans les vins, d’autant que la tyrosinase est inhibée par l’éthanol.

 

               Par contre, dans des vins élaborés totalement à l’abri de l’air et sans SO2, il peut éventuellement y avoir une activité tyrosinase résiduelle.

 

                              262)- Activité laccase.

 

               Plus stable au pH du moût, plus résistante au SO2, plus résistante aux aérations successives du mût, il peut y avoir une activité laccase résiduelle dans les vins, surtout ceux issus, de vendanges pourries qui n’ont pas assez de SO2 libre.

 

               Cette activité laccase résiduelle est proportionnelle au pourcentage de baies pourries.

 

               Cette activité laccase résiduelle est plus importante en vins rouges qu’en vins blancs du fait de la macération des parties solides.

 

               Il est plus facile d’inhiber l’activité laccase par le SO2 dans les vins que dans les moûts, car en vin, on a un effet conjugué du SO2 et de l’éthanol.

 

3)- Les pectinases.

 

               31)- Nature et structure des pectines.

 

               le taux de pectines dans les fruits varie selon les espèces et l’état de maturité. Dans le raisin, la teneur en pectines de la pulpe est de 0,5 % exprimée en pectate de calcium.

 

               Il y a lieu de distinguer la protopectine, les acides pectiniques, qui sont les pectines proprement dites, et les acides pectiques.

 

                              311)- La protopectine.

 

               C’est un constituant des parois cellulaires, qui en association avec la cellulose forme la paroi pectocellulosique des cellules végétales.

 

               La protopectine est une substance amorphe, insoluble, et de structure encore mal connue.

 

               La protopectine joue un rôle important sur la fermeté des fruits. C’est un tissu de soutien.

 

               Le ramollissement progressif des fruits observé au cours de la maturation et du stockage correspond à une solubilisation de la protopectine en acide pectinique, qui passe en solution dans le suc vacuolaire.

 

                              312)- Les acides pectiniques.

 

               Ce sont les pectines proprement dites.

 

               Ils sont responsables de l’état colloïdal appelé encore trouble naturel des jus bruts.

 

               Ils sont constitués de longues chaînes d’acides galacturoniques, partiellement méthylés et salifiés, avec des liaisons glucosidiques ß 1  4. Ce sont des macromolécules (30 000 à 300 000 de poids moléculaire), ce qui explique leur caractère colloïdal.

 

                              313)- Les acides pectiques.

 

               Les acides pectiques sont des chaînes identiques à celles des acides pectiniques, mais déméthoxylés par voie enzymatique (plus de groupements CH3).

 

               32)-Evolution des pectines.

 

               Au cours de la maturation du raisin, la baie se ramollit, devient translucide, alors que le jus, lui, est de plus en plus opalescent.

 

               Ceci correspond à une solubilisation des pectines membranaire (protopectines) dans le suc vacuolaire, sous forme d’acide pectinique.

 

               Au cours de la maturation, la teneur en pectines de la baie entière diminue régulièrement, tandis que la teneur en pectines de la pulpe augmente régulièrement, sauf en fin de maturation.

 

               Au niveau du raisin, il y a hydrolyse de la protopectine insoluble par la protopectinase (enzyme inconnue) en acides pectiniques colloïdaux. Ceci explique l’augmentation de la teneur en pectines (acides pectiniques) dans la pulpe, au cours de la maturation.

 

               Dans les moûts, les acides pectiniques sont déméthoxylés en acides pectiques, par la pectine méthyl estérase (PE), avec libération de méthanol.

 

               Enfin les acides pectiques sont hydrolysés en acides galacturoniques par des polygalacturonases (PG). Les acides galacturoniques ainsi obtenus sont parfaitement solubles (solution vraie).

 

               Remarque : il est à noter que le méthanol dont il se forme de petites quantités au cours de l’hydrolyse enzymatique des pectines, est un produit très toxique.

 

               33)- Nature des pectinases.

 

               Il existe deux catégories d’enzymes :

 

                              331)- les enzymes saponifiantes.

 

               Ce sont les estérases.

 

               Dans les enzymes saponifiantes, on a les pectines méthyl estérases, qui catalysent la déméthoxylation des acides pectiniques en acides pectiques.

 

                              332)- Les enzymes dépolymérisantes: les hydrolases.

 

               Elles catalysent l’hydrolyse des liaisons glucosidiques ß 1  4.

 

               Parmi les hydrolases, on distingue:

 

                              - les endoenzymes, qui scindent les chaînes par une attaque intérieure.

 

                              - les exoenzymes, qui attaquent les chaînes par leurs extrémités.

 

               Avec une activité des endoenzymes, la viscosité diminue de moitié pour 2 à 3 % des liaisons ß 1  4 coupées, tandis qu’avec une activité des exoenzymes, la même chute de viscosité correspond à 40 % des liaisons coupées.

 

               Parmi les hydrolases, on distingue aussi:

 

                              - Les polyméthyl galacturonases (PMG) dont le substrat préférentiel est les acides pectiniques. Ces enzymes peuvent dépolymériser sans déméthoxyler, c’est à dire sans production de méthanol (qui est toxique).

 

                              - Les polygalacturonases, dont le substrat préférentiel est les acides pectiques. Ces enzymes nécessitent donc une déméthoxylation préalable des chaînes des acides pectiniques. par les pectines méthyl estérases. Il y a donc obligatoirement production de méthanol.

 

                              333)- Les pectines lyases.

 

               Elles ont un autre mode d’action que les hydrolases.

 

               Elles sont peu abondantes voire inexistantes dans le raisin, mais, elles sont fréquentes chez certains micro-organismes et notament certains champignons.

 

               Elles ne donnent pas de méthanol.

 

               Elles provoquent une chute de viscosité des moûts très rapide.

 

                              334)- Les préparations commerciales.

 

               On trouve aussi bien des estérases, que des hydrolases que des lyases dans les préparations commerciales de pectinases.

 

               Elles sont extraites de cultures de moisissures ASPERGILLUS NIGER.

              

               34)-Facteurs de l’activité des pectinases.

 

                              341)- Température.

 

               C’est le facteur principal.

 

               Température optimum : 35 à 50 °c.

 

               Au dessous de 10 °c, l’activité des pectinases est très faible.

               Entre 10 et 35 °c, l’activité double chaque fois que la température augmente de 7 °c.

 

               Au-dessus de 50 °c, l’activité devient nulle.

 

                              342)- pH.

 

               Les valeurs optimales se situent entre pH 4 et pH 5.

 

               Pour les estérases, l’activité diminue fortement pour un pH inférieur à 3.

 

               Pour les hydrolases, le pH du moût n’est jamais un facteur limitant. Elles ont une bonne activité jusqu’à pH 2,5.

 

                              343)- Le SO2.

 

               En dessous de 100 mg/l (10 g/hl), le SO2 n’a aucune action sur les pectinases.

 

               Un sulfitage à 300 mg/l diminue l’activité des pectinases de 20 % seulement.

 

                              344)- Le degré alcoolique.

 

               Jusqu’à 15 % Vol.,il n’a aucune action sur les pectinases.

 

               Pour les mistelles (moûts mutés à l’alcool), comme le Pineau des Charentes qui est muté au Cognac, l’alcool est cependant un facteur limitant.

 

                              345)- La bentonite.

 

               Elle est utilisée pour le débourbage en vinification en blanc.

               Elle adsorbe les pectinases et les autres enzymes, et joue de ce fait un rôle légèrement inhibiteur.

 

               Remarque : Botrytis cinerea sécrète une pectinesterase très active. Ce métabolisme peut expliquer les teneurs parfois élevées en méthanol trouvées dans les vins issus de pourriture noble. D’autre part, les moûts issus de vendanges botrytisées (pourriture grise ou noble), sont relativement pauvres en pectines. 

 

               35)- Intérêt technologique des pectinases : clarification des moûts.

Les enzymes pectolytiques ne se trouvant pas toujours en quantité suffisantes dans les moûts naturellement, on peut ajouter à la vendange des préparations commerciales d’enzymes pectolytiques.

                              351)- En vinification en rouge.

 

               On l’utilise à la dose de 2 à 4 g/hl.

 

               En vinification en rouge, l’hydrolyse enzymatique des pectines se fait pendant la cuvaison.

 

               Deux rôles principaux:

 

                              - Extraction plus importante de bons jus (jus de goutte), au décuvage, si on réalise un enzymage.

 

                              - Extraction plus importante des composés phénoliques et notament des anthocyanes responsables de la couleur, si on réalise un enzymage.

 

                              352)- En vinification en blanc.

 

               On l’utilise à la dose de 1 à 2 g/hl.

 

               L’hydrolyse enzymatique a lieu pendant le débourbage. D’un état colloïdal, le moût va passer à un état de solution vraie.

 

               Cette hydrolyse enzymatique naturelle se déroule en trois phases :

              

                                                           1)- Phase enzymatique.

 

               On a une diminution de la viscosité du moût du fait de l’action des enzymes dépolymérisantes (hydrolases).

 

               Cet abaissement de la viscosité sera beaucoup plus rapide avec les endoenzymes qu’avec les exoenzymes. Si on rapporte des pectinases au moût, il faudra préférer des endoenzymes.

 

               Plus la température est froide, plus l’hydrolyse enzymatique est lente. Il faut pouvoir amener la température vers 15 à 20 °c, surtout lorsqu’on apporte des pectinases, pour accélérer le débourbage. On risque cependant un départ anticipé en FA.

 

               Cette phase est bien de nature enzymatique, car un chauffage des moûts à 80°c pendant 2 minutes dés leur extraction donne des moûts qui restent indéfiniment troubles.

 

                                                           2)- Phase de floculation.

 

               C’est un phénomène de nature physico-chimique qui correspond à la clarification proprement dite.

 

               La précipitation des colloïdes du moût est rendue possible grâce :

 

                              - A l’abaissement de la viscosité.

 

                              - A la suppression du rôle de colloïde protecteur des pectines.

 

               Cette floculation démarre, quel que soit la teneur initiale en pectine, lorsque le jus a atteint un certain seuil suffisamment bas de viscosité.

 

               Dans le floculat, on trouve :

 

                              - Des pectines non hydrolysées.

 

                              - Des polyosides neutres.

 

                              - Des protéines.

 

                                                           3)- Phase de sédimentation ou de tassement des bourbes.

 

               Phénomène purement physique qui peut être accéléré par des moyens mécaniques (centrifugation).

 

               En décantation statique, l’abaissement de la température favorise cette sédimentation, en retardant la fermentation alcoolique, et en permettant de ce fait un débourbage sensiblement plus long.

 

Conclusion.

L’addition de pectinases permet une meilleure clarification des moûts et des vins et une réduction du temps de débourbage en vinification en blanc ; une extraction plus importante de bon jus et une augmentation de la couleur en vinification en blanc.

Parallèlement à tous ces phénomènes, il y a libération dans les moûts du méthanol, en 24 h pendant la phase enzymatique.

 L’enzymage en vinification n’est autorisé que depuis 1973, car on craignait un enrichissement des vins en méthanol, qui est très toxique. En effet, la dose létale de méthanol est de 340 mg/kg corporel, et on en trouve environ 50 mg/l dans les moûts blancs.

 

4)- les protéases.

 

               41)- Localisation des protéases dans le raisin et influence de la pourriture grise.

 

               L’activité protéolytique est essentiellement particulaire.

 

               Les raisins atteints de pourriture grise ont une activité protéolytique 4 à 5 fois supérieure à celle des raisins sains.

 

               Depuis la véraison jusqu’à la maturation, l’activité protéolytique des raisins augmente légèrement.

 

               42)- Facteurs de l’activité des protéases, du raisin.

 

                              421)- Le pH.

 

               Le pH optimum des protéases est 2. Dans la zone de pH des moûts, on obtient une activité égale à 40 à 60 % de l’activité maximum.

 

               Ceci peut expliquer les variations de quantité d’azote assimilable par les levures en fonction de la maturité plus ou moins grande de la vendange. En effet, les années de bonnes maturités, on a des acidités plus faibles, donc des pH plus élevés. Les activités protéolytiques sont donc plus faibles, et les moûts sont moins riches en azote assimilable par les levures.

 

                              422)- La température.

 

               La température optimale d’activité des protéases est de 55 °c. A 70 °c, on note encore une activité appréciable.

 

               Cette activité n’est détruite à 100 % que par un chauffage à 90 °c pendant 30 minutes, à pH = 3,15.

 

               Les protéases du raisin ont donc une très forte thermorésistance, et les vendanges chauffées au cours des thermovinifications sont celles qui ont la meilleure fermentescibilité (plus d’azote assimilable par les levures).

 

                              423)- Le SO2.

 

               Aux doses habituellement utilisées en vinification, le SO2 a un effet activateur sur les protéases. Seul le SO2 libre aurait un effet activateur.

 

                Ceci explique en partie qu’un léger sulfitage des moûts peut avoir un effet activateur sur la fermentation alcoolique, en favorisant l’activité protéolytique des moûts.

 

                              424)- L’éthanol.

 

               l’activité protéasique du raisin est rapidement inhibée au cours de la fermentation alcoolique. C’est une inhibition réversible, car en éliminant l’éthanol par distillation, on retrouve l’activité protéasique.

 

               43)- Evolution de l’activité protéolytique du raisin au cours de la vinification en blanc.

 

               L’activité protéasique du raisin augmente au cours des traitements mécaniques du raisin. Plus on extrait de bourbes au cours de ces traitements, plus l’activité protéasique sera importante.

 

               L’activité protéasique qui est essentiellement particulaire, chute au cours du débourbage.

 

               Dans le cas d’un débourbage prolongé, l’activité protéasique est nul avant le début de la FA.

 

               44)- Intérêt technologique.

               En dégradant les protéines du raisin en peptides et en acides aminés, les protéases ont un double intérêt 

                              - Elles solubilisent des macromolécules qui risquent de floculer par la suite dans le vin (casse protéique par exemple)

                              - Elles enrichissent le moût en azote soluble et assimilable par les levures. Il s’en suit une amélioration de la fermentescibilité alcoolique des moûts par les levures, mais surtout, une amélioration de la fermentescibilité malolactique par les bactéries lactiques des vins.

 

               Malheureusement, l’activité protéasique du raisin a toujours une durée très limitée dans le temps :

 

                              - Pendant le débourbage en vinification en blanc.

 

                              - Tant qu’il n’y a pas trop d’éthanol en vinification en rouge.

 

               Il existe des protéases d’origine fongique, non inhibées par l’éthanol, mais les protéases exogènes que l’on a pu tester ne sont pas suffisamment spécifiques.

 

               Certaines souches de levures sont capables de libérer dans le moût des protéases. Celles-ci vont donc hydrolyser les protéines du raisin en peptides et en acides aminés. Cela améliorera donc la fermentescibilité malolactique des vins.

L’usage de ces enzymes est interdit en Oenologie, mais elles sont très employées en brasserie. 

               5)- Les B glucanases.

Des problèmes de clarification sont dus à la présence d’un polysaccharide : le B glucane,  colloïde protecteur produit par botrytis cinerea, et qui passe dans le moût au moment du pressurage.

Il faut impérativement éliminer ce glucane avant d’entamer la clarification des vins. L’hydrolyse enzymatique constitue une solution idéale.

               Les préparations commerciales.

               Exemple : le glucanex, produit par la société Suisse Novo Ferments.

               C’est une enzyme produit par Trichoderma.

 

                              51)- Facteurs d’activité :

 

                                            - pH optimum d’activité: 4,3. à pH 3, elles n’ont que 70% de leur activité.

 

                                            - Pas sensible au SO2.

 

                                            - Température optimum: 50°c. A 20°c, elles n’ont que 40% de leur activité.

 

                                            - Alcool: pour un degré de 10 % vol., elles n’ont que 50% de leur activité.

                              52)- Utilisation pratique:

                                            - Dose: 1 g/hl.

                                            - Utilisation sur vin avant clarification.

6)- Les invertases.

Sous l’action de cette enzyme, le saccharose (produit ajouté lors de la chaptalisation) qui n’est pas assimilable par les levures, est transformé en glucose et fructose (levulose), assimilables par les levures.

               61)- Les invertases du raisin.

 Le potentiel invertasique du raisin est élevé, et il varie peu avec le cépage et la maturité.

Par contre, une attaque de pourriture occasionne une perte importante de l’activité invertasique.

La plus grande partie de l’invertase est liée aux débris cellulaires de la pulpe. La clarification poussée du moût entraîne donc une perte notable de l’activité. Cependant le potentiel restant semble être suffisant pour hydrolyser rapidement le saccharose ajouté.

 

                                            * Propriétés.

 

                              - Elles sont peu sensibles à la température : un chauffage à 80°c ne l’affecte pratiquement pas.

 

                              - pH optimum : 2. à pH 3, on a une perte de 20% de l’activité.

 

                              - Le SO2 n’a pas d’action sur l’activité des invertases.

 

               62)- Les invertases des levures.

               Les levures de vinification ont un potentiel invertasique bien plus faible que le raisin. Ainsi, pendant la FA, le potentiel hydrolytique du saccharose par les levures est pratiquement négligeable.

 L’invertase est fixée à la levure, et diffuse donc très peu dans le milieu. On la retrouve dans les lies après la FA.

L’usage de ces enzymes est interdit en Oenologie.